It was God the whole time
18 janvier – 09 mars 202418 janvier – 9 mars 2024
Bradley Ertaskiran a le plaisir de présenter l’exposition solo de Joseph Tisiga It was God the whole time dans le Bunker. La nouvelle série de larges tableaux de Tisiga puise dans le lexique de l’artiste de personnages et de motifs obscurs et surnaturels – figures mythologiques, rochers anthropomorphes, insectes, bidons d’essence et masques fantomatiques, entre autres – avec une vigueur et une portée réimaginées. Pour réaliser ces peintures, Tisiga combine des pigments bruts et de la colle de peau de lapin afin de créer une texture unique, qui donne aux scènes un aspect plus mat que fluide, presque illustratif, tout en conservant corps et profondeur. Le résultat est un effet vif et frappant qui fusionne le style multidisciplinaire et narratif de Tisiga. Cela est particulièrement présent dans l’une des peintures représentant un orignal majestueux décapité, avec à proximité un enfant agenouillé jouant dans le sang riche, encerclé par des champignons dansants.
Tisiga s’amuse de ce que nous attendons de ses peintures, interrompant des scènes ou des genres familiers avec des éléments critiques ou comiques. Ces interruptions sont souvent choquantes ou amusantes, comme une inside joke ou une réflexion personnelle dont seul l’artiste a le secret. Bien que distinctes dans leur contenu, les œuvres évoquent ensemble des tropes picturaux familiers de l’histoire de l’art, détournés de leur sens : le paysage romantique (devenu gore), la scène équestre (se révélant hantée) et le portrait de bataille néoclassique (ici, d’une créature grotesque et fantasmatique).
Dans l’une des œuvres, deux personnages assis participent à des fouilles archéologiques, se montrant l’un à l’autre des trouvailles inconnues. Peinte dans une palette vive sur un fond de paysage banal, la scène est idyllique à première vue, mais en y regardant de plus près, elle s’effondre dans le désordre : les personnages sont trompeusement non-humains, l’un à moitié canin portant une robe chartreuse, l’autre ayant les traits obscurcis. Ici, le gore et le malaise sous-jacents mais palpables matérialisent le conflit de longue date de Tisiga avec l’identité, l’authenticité et la propriété, le plaçant dans ce cas dans le contexte d’une histoire coloniale idéalisée de l’archéologie.
Des masques colorés peuplent une toile entière – une mer de rictus assemblés en une composition graphique. Personnage récurrent dans l’œuvre de Tisiga, le masque, d’apparence simple, se double d’un exercice de création linguistique. Tisiga, membre de la Première nation Kaska Dena, réfléchit au fait que les Kaska n’ont pas d’esthétique visuelle évidente pour les objets ou l’imagerie. Dans ses œuvres, Tisiga envisage la construction de différents modes de signification comme un outil de préservation nécessaire pour les futurs Kaska. Pourtant, malgré son engagement à décortiquer les tropes de l’identité visuelle, Tisiga crée des peintures qui sont délibérément difficiles à lire. Ce ne sont pas des documents parfaits, ni des interprétations claires d’un monde extérieur désordonné ; ce sont des morceaux de vie nuancés, digérés et recrachés, selon le bon vouloir de l’artiste.
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Bradley Ertaskiran remercie la SODEC pour son soutien dans l’organisation de cette exposition.