Sharona Franklin

Crip Sweet Home

16 mai – 29 juin 2024
Crip Sweet Home

Bradley Ertaskiran a le plaisir de présenter Crip Sweet Home, une exposition solo de l’artiste, performeuse, autrice et militante de la cause des personnes en situation de handicap, Sharona Franklin. Sur la toile de fond industrielle et froide du Bunker, les œuvres vives de Franklin, réalisées en techniques mixtes et imprégnées d’une matérialité poignante et de détails autobiographiques, retracent les expériences individuelles et collectives de la maladie chronique, oscillant entre le confort et l’inconfort. Tout au long de l’exposition, Franklin nous invite à entrer, puis nous assaille d’un puissant questionnement intérieur qui confronte les perceptions enracinées du handicap et de la discrimination fondée sur le possibilisme : comment projetons-nous nos sentiments de handicap sur les autres ? Et qu’est-ce qui est nécessaire pour bien les comprendre, pour se sentir à l’aise ?

Fidèle à la pratique pluridisciplinaire de Franklin, l’exposition comprend des œuvres textiles, sculpturales et écrites, qui empruntent souvent aux mondes kitsch, numérique et domestique, avec des sous-entendus provocateurs. Sur les murs en ciment sont accrochés des poêles en fonte noire gravées, des planches à découper en bois et des tissus crochetés à l’aiguille, des objets destinés à accueillir un invité dans une maison, marqués ici d’ironiques slogans de soins, empreints de la finesse d’esprit caractéristique à Franklin. Non moins audacieux et acérés, des mèmes encadrés sont accrochés à proximité, tirés du projet en cours de mème sur Instagram de l’artiste, @hot.crip, l’un des premiers comptes portant sur le handicap lancé en 2019, visant à apporter de l’humour autour du capacitisme présent dans la culture quotidienne. Les œuvres lyriques de Franklin utilisent un humour critique comme forme de défense et de résilience, tout en reconnaissant et en résistant aux clichés de la pitié, de l’inquiétude, de la peur ou de la romantisation généralement attribués aux personnes ayant un handicap, en retournant ultimement la plaisanterie vers l’extérieur, vers le spectateur.

La tactilité est au cœur de la pratique de Franklin, comme en témoigne l’assemblage expert de matériaux évocateurs dans des installations architecturales complexes. ‘The achilles of democracy is its dependence on popularity’ (2024), par exemple, est un escalier composé d’un cadre en chrome fondu et de marches jaunies en gélatine déshydratée. Cette structure est conçue pour être fatale — les marches en gélatine de l’escalier fragile sont impossibles à gravir. Leur conception jette une lumière poignante sur les vulnérabilités et les interdépendances du corps malade qui navigue entre les barrières structurelles et institutionnelles de la vie quotidienne. Poétiquement détaillées, les sculptures sont ambitieuses et séduisantes tout en étant nettement repoussantes, une tactique qui incite le spectateur à inspecter chaque élément, chaque matériau, même si cela le met mal à l’aise. « Approchez-vous un peu », disent-elles, « regardez un peu plus attentivement ».

Personnage fréquent dans la pratique de Franklin, la gélatine représente le corps humain vulnérable : une chose vivante, poreuse, mais qui se détériore. Les assemblages de gélatine de Franklin incorporent des matériaux autobiographiques — seringues suspendues, comprimés, herbes, fleurs, textiles et équipements — un mélange parfait de matières biologiques et médico-industrielles, ici moulées en sculptures semblables à des fossiles et cousues en patchwork. Ces collages sculpturaux illustrent des expériences personnelles de la maladie, de la guérison et de la vie privée : colorés et doux dans l’ensemble, mais porteurs d’urgence dans leur insistance sur les biomatériaux, les pilules et autres produits qui sauvent la vie. Les médicaments sont un symbole récurrent dans la pratique de Franklin, à titre de ressource autonome nécessaire, mais également comme référence puissante à sa relation tendue avec les bureaucraties et les industries biopharmaceutiques qui gèrent et contrôlent la maladie. Cette relation tendue englobe des œuvres comme Hellraiser, un berceau pour enfant transformé arborant un volant, et Alleles, un mobile pour bébé modifié, tous deux imprégnés d’une tension palpable liée à la douleur sous-jacente de l’enfance, malgré leur habituelle fonction utilitaire d’apaisement. Une fois de plus, Franklin montre que lorsqu’il s’agit de maladie, le confort est une possibilité improbable.

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