Marie-Michelle Deschamps

Oasis

11 février – 13 mars 2021
Oasis

Le corpus d’œuvres présenté dans le cadre d’Oasis, une exposition personnelle de Marie-Michelle Deschamps, est inspiré du Manuscrit de Voynich, un livre datant du XVe siècle, illustré et rédigé à la main, et dont les inscriptions ne sont pas encore déchiffrées à ce jour. Connu aujourd’hui comme étant possiblement l’une des premières pharmacopées, le Manuscrit de Voynich présente un langage énigmatique enluminé d’illustrations de végétaux. À l’image de ce codex, Deschamps crée un langage biologique impénétrable. Dans son travail, les lignes s’entrelacent, se répètent et se répandent en un labyrinthe qui grossit et se multiplie, une vigne dont les rameaux se seraient figés dans la porcelaine. Ornées de ces lignes argentées, les peintures émaillées de Deschamps propose une déclaration universelle, se projetant dans le futur par le biais du passé. Les couches d’émail renvoient aux strates d’histoire inscrites à même le sol d’un jardin. Ces jardins qui contiennent le passé (au moyen de graines datant de centaines d’années), existent dans le présent, et seront projetés dans le futur, au fur et à mesure qu’ils continueront de croître. L’art existe similairement.

Dans mon appartement, des treilles se répandent sur ma fenêtre, projetant des ombres aux murs dont j’observe l’évolution au fil de la journée. La nuit, les lampadaires reflètent sur mon plafond les contours des arbres, que je regarde tel un film en sombrant dans le sommeil. Les plantes existent en deux endroits à la fois, simultanément à l’extérieur et à l’intérieur. Une ombre, tel un miroir, réfléchit quelque chose de réel et d’irréel – d’insaisissable et tout juste hors de portée. Les lignes effacées de l’ombre d’une plante me rappellent le concept d’hétérotopie établi par Foucault en 1967 dans son essai Des espaces autres, soit un endroit qui aurait « le pouvoir de juxtaposer en un seul lieu réel plusieurs espaces, plusieurs emplacements qui sont en eux-mêmes incompatibles »[1]. Les jardins, miroirs, hôtels et musées existent tous selon cette définition. Les sculptures et peintures de Deschamps peuvent également être considérées comme des hétérotopies, des espaces où de multiples significations convergent, créant quelque chose d’à la fois connu et inconnu.

« Le jardin traditionnel des persans était un espace sacré qui devait réunir à l’intérieur de son rectangle quatre parties représentant les quatre parties du monde » écrit Foucault. « Le jardin, c’est la plus petite parcelle du monde et puis c’est la totalité du monde »[2], continue-t-il. L’on croyait que toute la végétation d’un jardin émergeait en son centre, là où se trouvait la fontaine ou le bassin. Un ombilic. À cette image, la sculpture de Deschamps semble prendre source dans le drain situé au centre du bunker de chez Bradley Ertaskiran. Ainsi, un jardin est semé.

— Tatum Dooley, janvier 2021


[1] Foucault, Michel. « Des espaces autres. » Conférence au Cercle d’études architecturales, 14 mars 1967, in Architecture, Mouvement, Continuité, no 5 (1984): 46-49.

[2] Ibid.

À l’occasion de leur exposition respective, Celia Perrin Sidarous et Marie-Michelle Deschamps ont créé plusieurs œuvres collaboratives installées dans les espaces intermédiaires de la galerie.

Marie-Michelle Deschamps détient une maîtrise en arts visuels de la Glasgow School of Art (Écosse). Elle a exposé à la Fonderie Darling (Montréal, Canada), à Ausstellungraum Klingenthal à Bâle (Suisse), au Musée d’art moderne de Luxembourg (Luxembourg), à Occidental Temporary à Paris (France) et la Galerie de l’UQO (Gatineau, Canada). Le travail de Marie-Michelle Deschamps se retrouve dans les collections permanentes du Musée d’art contemporain de Montréal (Canada), du Musée Voorlinden (Pays-Bas), de Lafayette Anticipations – Fondation d’entreprise Galeries Lafayette (France), de la Glasgow School of the Arts Library (Écosse) et de la Caisse de dépôt et placement du Québec (Canada). Ses œuvres figurent également dans de nombreuses collections privées en France, au Canada, en Italie, en Grande-Bretagne et en Suisse. En 2019, elle est nominée au Prix Sobey pour les arts et devient récipiendaire du Programme de résidences Sobey à l’International Studio & Curatorial Program (ISCP) à New York.

L’artiste aimerait remercier le Conseil des arts du Canada pour son soutien financier ainsi qu’Aurélie Guillaume pour son aide précieuse au projet.

Bradley Ertaskiran aimerait remercier la SODEC pour le soutien financier octroyé afin de réaliser cette exposition.

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