Marie-Michelle Deschamps

Coquilles

14 novembre – 21 décembre 2024
Coquilles

Le dernier corpus d’œuvres de Marie-Michelle Deschamps, Coquilles, aborde le langage sur un plan ontologique. S’inspirant de l’écriture asémique, une forme d’écriture qui renonce à la signification traditionnelle en faveur de la construction de marques, Deschamps invite les spectateurs à une rencontre à la fois ludique et profonde avec l’inconnu. Dépouillée de toute lisibilité, l’essence du langage apparaît ici comme un système complexe de signes et de gestes. 

Un enchaînement de grandes amulettes énigmatiques se déploie à travers la galerie, imposant un parcours aux visiteurs et visiteuses, une chorégraphie subtile. Les amulettes, à la fois mystérieuses et imposantes, dictent une logique spatiale qui invite à la contemplation et impose un rythme à l’expérience du public. De cette manière, l’œuvre incarne l’acte de lecture, non pas comme un outil de transmission de sens, mais comme une force qui nous anime physiquement et mentalement, agissant comme un propulseur qui remplit son rôle.

Ailleurs dans la galerie, une grande œuvre composée de bandes de cuivre émaillé torsadées et contorsionnées révèle des éclats de vert-de-gris. Ces aperçus laissent deviner les forces invisibles qui en sont venues à façonner le matériau. Contours évoque la tension linguistique entre structure et fluidité, devenant une sorte de cryptogramme temporel énigmatique, un continuum qui relie le passé et le présent. Le même intérêt pour la construction, tant linguistique qu’architecturale et ornementale, est présent dans la série de bas-reliefs intitulée Coquilles, réalisée pour la première fois en bronze. 

Cette collection de nouvelles œuvres explore la façon dont le langage, à la fois sacré, communautaire et profondément personnel, est intimement lié à un profond désir de protection et de connexion. À cet égard, les pièces murales émaillées, les plus grandes produites par l’artiste à ce jour, s’inspirent des diatomées, des algues unicellulaires qui arborent des coquilles complexes semblables à du verre. Ces minuscules organismes construisent de fragiles boucliers transparents qui laissent passer la lumière pour les nourrir tout en leur offrant une protection indispensable.

Au cœur de la pratique de Deschamps se trouve une exploration continue du cryptage et du langage codé. Ses sculptures et bas-reliefs, réalisés en bronze patiné ou en cuivre émaillé, parfois rehaussés d’argent précieux, évoquent d’anciens talismans ou amulettes, objets autrefois utilisés comme charmes protecteurs. Le processus méticuleux de Deschamps, qui consiste à tracer, à couper, marteler et modeler insuffle à ses matériaux une sorte d’énergie primitive et arcanique.

Les symboles et les motifs utilisés par l’artiste résistent à une interprétation évidente. Le langage asémique qu’elle élabore devient un geste, imprégnant ses œuvres d’un sens tactile de la communication qui transcende les frontières linguistiques conventionnelles. Ces codes visuels, dérivés de scripts historiques, de systèmes cryptographiques et de techniques de sgraffite, transforment la galerie en un terrain de récits codés où l’image et le mot se dissolvent l’un dans l’autre. Coquilles invite le public à naviguer dans sa propre rencontre avec l’inconnaissable, à lire les signes d’une signification obscure et à trouver la beauté qui réside dans l’indétermination. Tels des scribes traçant des lettres oubliées, les spectateurs deviennent des participants à la quête complexe de forme et de sens de Deschamps.

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Texte de Anaïs Castro