À distance appropriée
21 mars – 04 mai 202421 mars au 4 mai 2024
Bradley Ertaskiran a le plaisir de présenter À distance appropriée, une exposition collective regroupant les œuvres des artistes canadiennes Sandra Brewster, Suzy Lake et Joyce Wieland. Travaillant dans les genres de la photographie, de la performance et de la création d’images, ces artistes révèlent et obscurcissent tour à tour les vues du corps féminin, créant des œuvres à la fois délibérées et provocantes.
Au cours de sa carrière de plus de cinquante ans, l’artiste américano-canadienne Suzy Lake a combiné la performance, la vidéo et la photographie pour interroger le vieillissement, la beauté et le genre à travers son propre corps. Le triptyque Beauty at a Proper Distance/In Song #4 (2002) montre le visage agrandi de l’artiste, étroitement cadré pour accentuer ses lèvres peintes de rouge épais – formant un large « O », figées en chantant – les poils non épilés de son menton et de sa moustache, ses cheveux bouclés rebondissants et ses pores dilatés. Gros plan dramatique sur un corps vieillissant et indiscipliné, l’œuvre subvertit les conventions de la photographie commerciale séductrice et retouchée digitalement, tout en titillant notre attention en n’offrant qu’un aperçu ; nous ne pouvons pas consommer les images dans leur intégralité, mais nous ne pouvons pas non plus détourner le regard. Suzy as Jay Lee Jaroslav (1973-1974/1975) illustre l’intérêt de Lake pour le mimétisme ludique et pour la performance scénographiée et répétitive. Les visages de deux séries de portraits en noir et blanc sont légèrement altérés et colorés avec d’épaisses lignes noires en travers de la bouche et des yeux, comme un maquillage de scène. L’œuvre de Lake suscite une prise de conscience de soi audacieuse, sans égard pour le plaisir ou le malaise du spectateur.
Sandra Brewster, artiste multidisciplinaire basée à Toronto, explore le genre du portrait par le biais d’expérimentations matérielles dynamiques. La série Take a Little Trip (2022) comprend des portraits en noir et blanc de figures emblématiques de la pensée et de la culture noires, telles que Claudia Jones, Joséphine Baker, Salomé Bey, Minnie Riperton. Les portraits sont réalisés à partir d’images extraites d’interviews vidéos superposées les unes sur les autres au moyen d’un transfert photographique au gel. Le résultat est un effet de flou qui conserve de manière unique la ressemblance et le sens du mouvement de chaque sujet, comme s’ils bougeaient encore sur le papier, refusant de rester immobiles pour le spectateur. Les œuvres accentuent également les imperfections nécessaires à leur création ; les plis, les marques et les cicatrices sont visibles, comme de vieilles photographies d’archives, laissant certaines informations intactes et d’autres perdues dans le processus de transfert.
Tout au long de sa prolifique carrière, la regrettée artiste canadienne Joyce Wieland a exploré le corps féminin de manière radicale à travers des films et des œuvres aux techniques mixtes parmi lesquelles une série de dessins érotiques créés au plus fort de la révolution sexuelle des années 1960. Dans Erotic Drawing 2 (c. 1962), des lignes rapides et éparses révèlent des éléments de corps nus et tordus, suggérant le corps en mouvement de l’artiste, qui dessine une marque après l’autre. L’aquarelle Stage (n.d.) illustre également le style gestuel et obscur de l’artiste. Des rideaux drapés encadrent une scène composée de formes abstraites aux teintes pastel délavées, presque hallucinatoires dans leur contenu méconnaissable et fantaisiste. Ici, ainsi que dans ses dessins, Wieland limite intentionnellement notre vision complète de la scène ; le spectacle (et ses corps) est raconté à travers des fragments et des coups de pinceau brumeux plutôt que par une révélation publique émoustillante. L’artiste a gardé certains secrets pour elle.
Dans une époque culturelle où les images (et les corps) sont régulièrement partagées, sensationnalisées et consommées avec avidité, la consommation passive est ici restreinte et laissée aux seules mains des artistes.
Les œuvres de Sandra Brewster sont présentées en collaboration avec Olga Korper Gallery; les œuvres de Suzy Lake sont présentées en collaboration avec Georgia Scherman Projects; les œuvres de Joyce Wieland sont présentées en collaboration avec Caviar 20, Art45 et la collection de Munro Ferguson.
Sandra Brewster (née à Toronto en 1973) est une artiste multidisciplinaire basée à Toronto. Son travail utilise un ensemble de techniques pour aborder les concepts de mouvement exprimant une relation interne avec l’identité. Son travail a fait l’objet d’expositions individuelles notamment à l’Art Gallery of Ontario (Toronto), au Museum of Contemporary Art of Chicago, à la Power Plant Contemporary Art Gallery (Toronto), à la Kenerdine Art Gallery (Saskatoon), à la Galerie Leonard & Bina Ellen (Montréal), à la Hartnett Gallery (Rochester), à l’Or Gallery (Vancouver) et au Lagos Photo Festival. Brewster présentera prochainement une exposition individuelle à Olga Korper Gallery (Toronto). Son travail fait partie de nombreuses collections dont celles de l’Art Gallery of Ontario (Toronto), du McMichael Canadian Art Collection (Ontario), de l’Art Gallery of Guelph, du Museum of Fine Arts (Houston) et du Los Angeles County Museum of Art. Son installation publique A Place to Put Your Things est actuellement exposée au Harbourfront Centre à Toronto.
Suzy Lake (née à Detroit en 1947) est une artiste américano-canadienne basée à Toronto. Son travail explore les politiques du corps et de l’identité à travers la performance, la vidéo et la photographie. Ses plus récentes œuvres traitent du corps vieillissant et remettent en question les structures de pouvoir d’un point de vue politique et poétique. Le travail de Lake a été présenté à travers le Canada et à l’international notamment au Centre Pompidou-Metz (Metz), au Museum of Modern Art (New York), au Metropolitan Museum of Art (New York), au Musée national des beaux-arts du Canada (Ottawa), au Brandhorst Museum (Munich), au Musée des beaux-arts de Montréal, à la Vancouver Art Gallery, à la Hayward Gallery (London), au Santa Monica Museum of Art, au Los Angeles Museum of Contemporary Art, au Musée d’art contemporain de Montréal et à l’Art Gallery of Windsor. En 2014, une exposition rétrospective de sa carrière à été présentée à l’Art Gallery of Ontario (Toronto). Ses œuvres ont été incluses dans plusieurs expositions féministes historiques, dont WACK! Art and the Feminist Revolution, 2007–2008 (commissariée par Connie Butler et en tournée 2007-2008) et WOMAN: The Feminist Avant-Garde of the 1970s, Works from the Sammlung Verbund, Vienna (en tournée 2013–18) et font également partie d’importantes collections privées et publiques internationales. Membre de l’Académie royale des arts du Canada, Lake a reçu en 2016 le Prix du Gouverneur général en arts visuels et médiatiques, ainsi que le Scotiabank Photography Award. En 2024, elle a reçu le Distinguished Artist Award for Lifetime Achievement de la College Arts Association de Chicago.
Joyce Wieland (née à Toronto; 1930-1998) est une artiste multidisciplinaire reconnue pour sa contribution au développement de l’art contemporain au Canada. Dans ses œuvres, elle s’est intéressée à l’identité nationale et aux questions féministes, remettant en question la culture artistique essentiellement masculine de son époque. Elle a exploré des thèmes politiques tels que le nationalisme, le féminisme et l’écologie en utilisant divers médias, de la peinture au cinéma en passant par le textile. Les oeuvres de Wieland ont notamment été exposées au Musée des beaux-arts du Canada (Ottawa), au Museum of Modern Art (New York), au National Museum of Modern Art (Tokyo), au Musée national d’art moderne (Paris), à la Isaacs Gallery (Toronto), à l’Albright-Knox Art Gallery (Buffalo) et au Philadelphia Museum of Art. Les oeuvres de Wieland font partie de nombreuses collections publiques, notamment celles du Musée des beaux-arts du Canada (Ottawa), du Museum of Modern Art (New York), de la Vancouver Art Gallery, de la MacKenzie Art Gallery (Regina), de la Art Gallery of Ontario (Toronto), du Musée des beaux-arts de Montréal et du Musée d’art contemporain de Montréal. En 1983, Wieland a été nommée Officier de l’Ordre du Canada, en reconnaissance de son talent exceptionnel et des services rendus aux Canadiens. Une rétrospective majeure de son œuvre sera présentée par le Musée des beaux-arts de Montréal et l’Art Gallery of Ontario en 2025.